lundi 8 mai 2017

Haute voltige, par Ingrid Astier

Fiche technique :

Auteur : Ingrid Astier
Titre : Haute voltige
Editeur / Collection : Gallimard / Série noire
Nombre de pages : 608
Date de parution : Mars 2017


Quatrième de couverture :

« Combien d'apocalypses peut-on porter en soi ? »
Aux abords de Paris, le convoi d'un riche Saoudien file dans la nuit. Survient une attaque sans précédent, digne des plus belles équipes. « Du grand albatros » pour le commandant Suarez et ses hommes de la brigade de répression du banditisme, stupéfaits par l'envergure de l'affaire. De quoi les détourner un temps de leur obsession du Gecko – une légende vivante qui se promène sur les toits de Paris, l'or aux doigts, comme si c'était chez lui, du dôme de l'Institut de France à l'église Saint-Eustache...
Derrière l'attaque sanglante, quel cerveau se cache ? Le butin le plus précieux du convoi n'est pourtant ni l'argent ni les diamants. Mais une femme, Ylana, aussi belle qu'égarée. Ranko est un solitaire endurci, à l'incroyable volonté. Mais aussi un homme à vif, atteint par l'histoire de l'ex-Yougoslavie. L'attaque du convoi les réunit. Le destin de Ranko vient irrémédiablement de tourner. Son oncle, Astrakan, scelle ce destin en lui offrant un jeu d'échecs. Le jeu de Svetozar Gligoric, le grand maître qui taillait ses pièces dans des bouchons de vin. Et lui demande de se battre – à la boxe et aux échecs, pour infiltrer le monde de l'art et dérober ses plus belles œuvres à Enki Bilal, le célèbre artiste. La guerre et l'amour planent comme des vautours.
De la police, d'une femme ou du destin, qui est capable de faire chuter Ranko ?


Avis :

J'ai eu l'occasion de rencontrer Ingrid Astier lors du festival Quais du Polar grâce au site lecteurs.com. Sa méthode de travail m'avait impressionnée et sa façon de nous présenter Haute voltige, son dernier roman, m'avait conquise. Je n'avais alors qu'une hâte, lire ce polar ! Je me suis lancée, et il m'a fallu plus d'un mois pour arriver à le terminer. Je ne sais pas pourquoi, car j'ai aimé l'écriture, ciselée et poétique, les personnages, réalistes et attachants, et l'intrigue, à la fois classique et originale... Haute voltige n'est clairement pas un livre que l'on dévore, il fait partie de ces romans qui se dégustent lentement, page après page, mot après mot...
 
Haute voltige mêle plusieurs intrigues passionnantes : un braquage parfaitement exécuté, un vol d'œuvres d'art audacieux, une enquête policière, une vengeance et une histoire d'amour naissante... Nous suivons pendant plusieurs mois deux équipes que tout oppose : Il y a d'un côté Ranko, monte-en-l'air solitaire mais terriblement attachant dans sa recherche de liberté, Ylana, jeune femme un peu paumée et Astrakan, vieux chef de gang fantasque et dangereux ; de l'autre côté, il y a l'équipe de la BRB (brigade de répression du banditisme) menée par le commandant Stephan Suarez qui file inlassablement Ranko en espérant le prendre en flagrant délit... Criminels ou policiers, tous les personnages de ce roman sont uniques dans leurs genres ; leurs caractères sont bien développés, ils sont réalistes et pour la plupart attachants. Nous les suivons dans leurs actions et leurs réflexions, des plus banales au plus extraordinaires, nous prenons connaissance de leur passé et nous assistons aux rencontres qui les feront évoluer. D'ailleurs certaines rencontres sont savoureuses, quand elles concernent des personnes réelles on ne sait plus trop où s'arrête la réalité et où commence la fiction.
 
La plume d'Ingrid Astier est très belle, le texte est ciselé à la perfection, on voit tout de suite que chaque expression a été réfléchie avant d'être utilisée... Les mots ne sont pas là par hasard, ils ont été choisis avec soin. Il en ressort un texte vivant et musical, d'une grande beauté, comme les images qu'il véhicule, à la fois fortes et visuelles, parfois poétiques. Cette plume est un atout, mais je pense que c'est ce qui a considérablement ralenti ma lecture. Je m'en suis imprégnée, et cela ne peut se faire dans la précipitation. La lenteur du texte colle d'ailleurs parfaitement bien à l'intrigue, faite principalement de filatures, d'attentes, de préparations et de réflexions ; les moments d'action en ressortent plus intenses, plus marquants.
 
Haute voltige est donc un roman noir qui m'a beaucoup plu malgré le temps passé à le lire. J'y ai découvert une très belle plume, Paris depuis les toits, le chessboxing (sport hybride mélangeant la boxe anglaise et les échecs) et l'œuvre d'Enki Bilal (Ingrid Astier m'a donné envie de me plonger dans ses bandes dessinées)... et rien que pour cela je ne regrette pas cette lecture.
 
 
 
« Et chacun vit : un couple, enfoncé à mi-jambe dans un échiquier comme dans l’eau laiteuse d’un lac, fixant un invisible témoin. L’homme, plus méfiant, serrait la femme de dos, en un geste protecteur. Derrière eux, la pièce du cavalier noir, tellement vivante qu’elle semblait les garder d’une menace. Quelque part, une terreur guettait. L’hydre attendait son moment. Régnaient un secret, une intensité que nul n’aurait discutés. La femme portait un débardeur, un haut court vert d’eau maculé de rouge et des bandages. Envers et endroit d’une même réalité, l’homme aussi avait des bandages qui en faisaient tout autant un guerrier qu’un blessé. Et un short et un gant de boxe, à damiers.
En eux, une nostalgie, si profonde que leur regard gravait tout autant l’espérance que l’apocalypse. »
 
Chessboxers with Black Horse, peinture d'Enki Bilal et citation d'Ingrid Astier (©)
 
 
 
 

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